Alors que la rupture conventionnelle collective vient de faire son apparition dans notre arsenal juridique, l’engouement pour son pendant individuel, qui a encore battu des records en 2017 avec près de 421 000 ruptures de contrats par consentement mutuel homologuées (1), ne se dément pas. Mais peut-on parler de succès pour ce qui reste une rupture ?
Les chiffres sont éloquents. Depuis sa création en 2008, le nombre de ruptures conventionnelles entre employeurs et salariés augmente chaque année, avec un record en 2017 et une augmentation de près de 8 % sur un an (2). Il est vrai que le dispositif reste avantageux pour les employeurs et que les salariés courent peu de risques à condition de bien être conseillés.
Le fruit d’un dialogue
La rupture conventionnelle a pour énorme avantage de permettre au salarié et à l’employeur de mettre fin à un contrat à durée indéterminée (CDI) d’un commun accord, de façon rapide, sans motif, sans préavis, tout en ouvrant droit à une indemnité de rupture et aux allocations chômage.
Une forme de rupture négociée du contrat de travail sous le contrôle de l’inspection du travail, régularisée par la tenue d’un formulaire administratif rempli par les deux parties, le salarié bénéficiant d’un délai de rétractation de 15 jours. Un départ en douceur qui repose sur un accord amiable, qui préserve la relation entre les parties et facilite les perspectives de réembauche du salarié. S’il est d’usage que l’employé puisse quitter l’entreprise à l’issue de ces 15 jours, il peut être convenu de différer le départ pour faciliter l’organisation interne de l’entreprise. Le moyen de réaménager le poste pour permettre au salarié qui prendra la place de celui qui part, de bénéficier d’une meilleure acclimatation. Dès le départ du salarié de l’entreprise, celui-ci bénéficie des sommes versées au titre de son solde de tout compte. À l’expiration du délai de 15 jours de rétractation, le formulaire doit être adressé à la Direction Départementale Administrative.
Quels avantages pour les parties ?
Lors de sa création en 2008, ce dispositif avait pour vocation première de sécuriser les conditions de départs volontaires des salariés, en leur garantissant un accès à l’assurance chômage, pour avoir le temps de trouver un nouvel emploi ou de créer leur entreprise, ce qui n’est pas le cas avec une démission. La crise économique qui a suivi a changé la donne.
Les entreprises s’en sont emparées, pour se séparer de leurs salariés de façon plus sécurisée. Si l’instauration d’un forfait social de 20 % en plus des indemnités de rupture conventionnelle a freiné leurs ardeurs, il n’en reste pas moins avantageux pour les employeurs, car les recours des salariés, limités dans leurs motifs aux seules conditions de consentement des parties, peuvent être engagés dans une durée limitée (un an).
Du côté du salarié, les risques sont minimes. S’il n’est pas représenté par un avocat, il est préférable que celui-ci formalise par écrit sa demande pour ne pas remettre en cause son consentement. Il doit s’assurer de quitter la société dans des conditions financières acceptables.
L’usage est que deux ou trois entretiens entre les parties aient lieu avant la signature du formulaire afin de justifier que les parties ont eu le temps de se mettre d’accord sur les conditions de départ. Suite au versement des indemnités de rupture, il reste une dernière possibilité de la contester, si la signature est intervenue dans des conditions critiquables (absence de consentement éclairé, situation conflictuelle liée à un harcèlement moral, etc.). En se mettant d’accord sur les conditions de départ et en les faisant valider par l’administration, les risques d’une procédure sont considérablement réduits. Mais pour éviter tout problème, il est fortement conseillé, tant aux salariés qu’aux employeurs, de se faire assister.
Une nouvelle version collective
Dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’employeur n’est pas tenu de verser un préavis aux salariés. En revanche, il verse une indemnité de rupture conventionnelle, basée sur l’ancienneté. Depuis le 27 septembre 2017, l’indemnité légale est calculée à partir de la rémunération brute perçue par le salarié avant la rupture de son contrat de travail.
L’indemnité ne peut pas être inférieure à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté pour les 10 premières années ; 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de la 11e année. L’ancienneté est calculée à partir du jour de la rupture du contrat, c’est-à-dire à la fin du préavis, même si celui-ci n’est pas exécuté. En cas d’année incomplète, l’indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.
Les ordonnances récentes ont permis la création d’une rupture conventionnelle collective (RCC) qui permet à une entreprise de se séparer d’un grand nombre de salariés, sur la base du volontariat. Elle doit négocier avec ses syndicats les conditions des départs (indemnités, mesures de reclassement…). L’accord doit être majoritaire et homologué par l’administration.
Maître Gisèle COHEN Avocat à la Cour
Médiateur depuis 2014
Conférencière sur les enjeux stratégiques des entreprises.
88, Avenue Niel, 75017 PARIS
Article publié sur www.lesechos.fr